Un patrimoine commun de l’humanité en vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 (170 États parties à l’exception des États-Unis). Gérée par l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM, fondée en 1994) qui est investie de tous les droits sur ses ressources pour le compte de l’humanité tout entière, la Zone des grands fonds marin est constituée du sol et du sous-sol marins situés au-delà des juridictions nationales et au-dessous de la haute mer. Celle de Clarion-Clipperton, située dans le Pacifique, s’étend sur quelques 4,5 millions de km² et renferme des quantités importantes de minerais stratégiques (cobalt, cuivre, manganèse, terres rares), au cœur de la décarbonation des industries, des transformations numériques et technologiques. En signant, le 24 avril 2025, un décret autorisant l’exploitation des fonds marins et sous-marins y compris dans les eaux internationales (et donc hors de la juridiction des Etats-Unis), Trump veut ouvrir la voie à l’extraction minière de ces ressources convoitées dans les océans. À l’inverse de cette logique de guerre commerciale, une quarantaine de pays ont décrété un moratoire sur le sujet en raison des risques de catastrophe écologique que comporte l’activité minière sous-marine. La France prône son interdiction. Les abysses constituent en outre une réserve de biodiversité encore très mal connue à protéger.

En savoir plus:

• Benjamin König, «Environnement: Trump veut lancer le forage au fond des océans même dans les eaux internationales», l’Humanité, 25 avril 2025.
• Niki Aloupi, «Donald Trump signe un décret relatif à l’exploitation des grands fonds marins: une remise en cause du multilatéralisme en droit international de la mer», Le club des juristes, 28 avril 2025.
• Emmanuel Hache, Émilie Normand, Candice Roche, «Exploitation des fonds marins: un nouveau clivage géopolitique?», Polytechnique Insights, 3 juillet 2024.

Auschwitz. Deux livres majeurs sur le système concentrationnaire ont été publiés récemment et présentés par des historiens : Tout voir et ne rien oublier de Macha Ravine (édition établie par Dimitri Manessis, éd. du Rocher, 2023) et Ce que j’ai vu à Auschwitz, Les Cahiers d’Alter de Alter Fajnzylberg (présentés par Roger Fajnzylberg avec la collaboration d’Alban Perrin, Seuil, 2025). Ces documents sont exceptionnels parce qu’écrits juste au lendemain de la guerre. Les deux combattants ont voulu témoigner dès leur retour. Ils relatent deux expériences différentes, mais qui se recoupent. Leur parcours préalable a été celui de l’antifascisme en Pologne, en Espagne et en France. Ils ont en commun d’avoir été des militants communistes qui ne perdent jamais espoir malgré la terrible épreuve qu’ils ont traversée.

En savoir plus:

• «80e anniversaire de la fin des camps: survivre et témoigner», rencontre organisée par la Fondation Gabriel Péri avec Roger Fajnzylberg et Dimitri Manessis le 28 avril 2025.
• Serge Wolikow, Libération des camps de la mort : survivre et témoigner, l’Humanité, 14 avril 2025.
• Serge Wolikow, Auschwitz, 1945 : l’heure de la liberté, l’Humanité, 27 janvier 2025.

De détourner de l’argent. Au début des années 2000, la Post Office britannique impose aux gérants de guichets de poste l’utilisation du logiciel Horizon d’optimisation de gestion développé par l’entreprise Fujitsu. Avec ce système informatique, l’administration des postes a accusé 3500 gérants d’être responsables des énormes pertes financières qu’elle constatait. Or, lorsque les gérants remontaient les problèmes rencontrés avec le logiciel, il leur était opposé l’infaillibilité de ce dernier et d’être les seuls dans cette situation. Poursuivis en justice sur la base des seules investigations de la Post Office, 700 postiers ont été condamnés pour vol, irrégularités comptables ou fraude ; 236 ont été incarcérés, 4 se sont suicidés. En perdant leur emploi, leurs économies, souvent leur maison, leur réputation, leur vie a été brisée. La série raconte le combat de Mr Blate, gérant d’un bureau de poste-mercerie, au Pays de Galle, pour rétablir la vérité. Suspectant des bugs informatiques, il refuse de reconnaitre sa responsabilité et mène la contre-offensive en organisant une action collective, qui rassemblera plus de 500 victimes. Ce n’est qu’en 2019 que la justice reconnaitra les défaillances du logiciel et l’absence de malversations. Les procédures visant à annuler les condamnations sont toujours en cours. Le succès de cette série a permis la médiatisation de ce scandale méconnu tout en rendant hommage aux victimes. Il a poussé le gouvernement à annoncer l’indemnisation de toutes les victimes à hauteur de 1,8 milliard de Livres. Aucun des responsables du Post Office et de l’entreprise de Fujitsu n’a, à ce jour, été poursuivi en justice.

En savoir plus:

• Les 4 épisodes de la mini-série Mr Bates vs The Post Office sont disponibles sur le site d’Arte jusqu’au 24 juin 2024.
• Voir le dossier de Silomag #18 consacré aux transformations néolibérales des services publics.

150 % du PIB. C’est en effet à partir d’un endettement public massif, largement financé par la création monétaire des banques, que le pays ruiné par la guerre a pu se reconstruire et réaliser les grandes réformes de la Libération, certaines de portée révolutionnaire comme la Sécurité sociale. La vigoureuse croissance économique de l’après-guerre (accompagnée d’une forte inflation) a engendré des richesses supplémentaires considérables qui ont permis, année après année, de réduire le poids de la dette publique dans l’économie : elle était revenue à 13 % du PIB en 1969. Contrairement à ce que soutient le Premier ministre, ce n’est donc pas en réduisant les «dépenses courantes» de l’État, des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale que la France retrouvera des «marges de manœuvre». C’est, au contraire, en engageant très vite l’embauche massive de personnels dans le système hospitalier, dans l’Éducation nationale, dans tous les services publics, et en emmenant les entreprises, publiques et privées, dans cette nouvelle logique, que l’économie se renforcera et créera les richesses nécessaires pour «avaler la dette».

En savoir plus:

• Source : Pierre-François Gouiffès, Michel Pébereau, L’âge d’or des déficits : 40 ans de politique budgétaire française, La Documentation française : Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2013
• Dossier «Faut-il avoir peur de la dette?» du numéro 840-841 d’Économie&Politique, sept.2024.
• Dossier «Les dogmes de la dette», Silomag #2, 2017.

Une société imaginaire, reposant sur des principes égalitaires. Dans son essai Voyage en Icarie publié en 1840, Étienne Cabet, socialiste utopique français, invente une ville idéale située sur l’île imaginaire d’Icarie. Il s’agit d’une République égalitaire où la propriété privée des moyens de production est abolie. L’accès gratuit à l’éducation, à la culture et à la santé est garanti par un État centralisé et démocratique. À partir de 1847, Cabet et plusieurs de ses disciples fondent des «communautés icariennes» aux États-Unis, sortes de «micro-sociétés» dont le fonctionnement et les règles sont directement inspirés du livre Voyage en Icarie. Ces expérimentations sociales ont pour objectif de prouver la scientificité du «socialisme utopique» face aux critiques des marxistes, qui l’oppose au «socialisme scientifique» de Marx et Engels. Elles connaitront un succès mitigé et la dernière communauté icarienne disparaitra en 1898. Des expériences communautaires semblables seront menées aux États-Unis par les disciples de Charles Fourier, autre «socialiste utopique» qui se distingue d’Étienne Cabet par son rejet des lois et de l’État central.

En savoir plus:

• Étienne Lamarche, «Le droit au service de l’utopie», La Pensée, n°421, janvier-mars 2025 (p. 66-76), Fondation Gabriel Péri.

Pour annuler l’effet «mur du son» au moment du passage du train dans les tunnels. Avec le profil initial de la motrice, le TGV déplaçait une masse d’air comprimé gigantesque au passage des tunnels qui engendrait un rugissement et un boum de très forte intensité. Les plaintes des passagers et des riverains étaient nombreuses. Pour trouver une solution à ce problème, les ingénieurs ont eu l’idée de s’inspirer de la forme du bec du martin-pêcheur grâce auquel cet oiseau plonge dans l’eau pour capturer sa nourriture sans provoquer d’éclaboussures. Le résultat s’est avéré spectaculaire. Les bruits parasites ont disparu et la circulation des trains dans les tunnels est devenue fluide. Cet exemple est l’une des nombreuses illustrations d’une approche industrielle particulièrement féconde: le biomimétisme dont le principe consiste à imiter la nature pour trouver des solutions technologiques scientifiques voire sociales aux défis auxquels nous sommes confrontés. Ses applications sont nombreuses du velcro à l’hyper-hydrophobie de l’effet Lotus en passant par les vertus hydro et aérodynamique de la structure de la peau des requins. Elles concernent la quasi-totalité des branches de l’industrie. Ainsi, le biomimétisme est une source de créativité et d’innovation particulièrement précieuse.

En savoir plus:

• Julien Serres, «S’inspirer des insectes pour rendre les véhicules autonomes plus intelligents», The Conversation, 2 avril 2025.
• «Comment ce petit oiseau a-t-il aidé à améliorer le Shinkansen, le train à grande vitesse japonais?», Science et vie, 12 février 2024.