Léonid Pliouchtch (1939-2015), jeune mathématicien et militant communiste convaincu, membre actif du komsomol, les jeunesses communistes. Après son diplôme, il obtient un poste de chercheur en mathématiques appliquées dans un Laboratoire de l’Académie des sciences d’Ukraine. Pliouchtch se rapproche progressivement des milieux dissidents ukrainiens et se bat pour les droits civiques, les libertés de publication et d’expression. Arrêté en 1972, emprisonné une année dans un premier hôpital psychiatrique à Moscou, il est interné pendant trois ans. Le comité français des mathématiciens, sous la houlette de l’Organisation communiste internationaliste dirigée par Pierre Lambert, prend en main «l’affaire Pliouchtch» et organise un premier meeting en France à la Mutualité le 23 octobre 1975. Le PCF, qui ne veut pas mettre en cause l’Union soviétique, sera absent de cet évènement. Pourtant, deux jours seulement après ce meeting, René Andrieu, rédacteur en chef de l’Humanité, écrit un édito dans le journal avec l’accord du directeur de l’Humanité, et prend ses distances avec Moscou. Le 10 janvier 1976 (13 ans avant la chute du mur de Berlin), les époux Pliouchtch sont expulsés de Kiev et arrivent en France le 11 janvier. Un an après le premier meeting, un second meeting se tient, toujours à la Mutualité, pour six autres victimes d’atteintes aux droits de l’Homme, avec Léonid Pliouchtch en invité vedette. Cette fois, le bureau politique du PCF décide unanimement qu’il faut y participer. Pierre Juquin y déclare: «le socialisme est incompatible avec ce genre de pratiques, avec ces répressions». Il rappelle toutefois l’attachement du PCF à l’URSS : «anti-fascistes toujours, anti-soviétiques jamais». Cette prise de position s’inscrit pour le PCF dans un double contexte : celui d’une prise de distance croissante vis-à-vis de l’Union soviétique, manifestée notamment en 1968 avec la ferme condamnation de l’invasion de la Tchécoslovaquie ; celui de l’affirmation d’un socialisme aux couleurs de la France mettant en son cœur même la défense des libertés.
En savoir plus:
- Documentaire de Mathieu Schwartz, Ces mathématiciens qui firent plier le Kremlin, La Chaîne parlementaire, le 10 février 2025.
- Scarlett Bain, «Ces mathématiciens qui firent plier le Kremlin»: le documentaire qui revient sur la méconnue «affaire Leonid Pliouchtch», l’Humanité, le 09/02/2025.
- François Bonnet, «Les maths, impossible équation pour le Kremlin», Mediapart, le 23/07/2020.