Le système de classement politique des candidats utilisé est différent alors que leurs calculs s’appuient sur les mêmes chiffres. La manière singulière d’agréger les votes, de les présenter, et donc, de les interpréter à l’issue d’une élection participe du rapport de force politique. Se joue la représentation statistique d’une légitimité acquise par les urnes.
Une circulaire du 16 mai 2022 du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin qui précisait la grille des 18 nuances politiques à attribuer aux candidats a été adressée aux préfets. Si «Ensemble! (Majorité présidentielle)» regroupant sous un unique libellé diverses formations politiques (Renaissance, Modem, Horizons, Agir, etc.) a été retenu, tel n’a pas été le cas pour la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Les différents partis composant cette coalition de gauche étaient ainsi présentés divisés, classés sous diverses étiquettes. Dans une décision du 7 juin, le Conseil d’État a estimé que cette comptabilisation pouvait «porter atteinte à la sincérité de la présentation des résultats électoraux» et a enjoint le ministre de l’Intérieur à «comptabiliser la Nupes comme une nuance politique unique». Si le ministère s’est acquitté des obligations de cette décision juridique, quelques équivoques ont persisté, notamment en Corse et dans les outre-mer, ce qui explique les différences. L’objectif ici est bien de minimiser le score électoral des adversaires de la coalition politique menée par Emmanuel Macron. Lors des élections municipales de 2020, le précédent ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, avait déjà tenté d’user d’un tel procédé.
En savoir plus:
- Circulaire du ministère de l’Intérieur relative à l’«attribution des nuances aux candidats aux élections législatives de 2022», 13 mai 2022
- «Nupes ou Ensembles! en tête aux législatives? Les raisons de la divergence entre « Le Monde » et le ministère de l’Intérieur», Le Monde, 13 juin 2022.
- Patrick Lehingue, «Mais qui a gagné? Les mécanismes de production des verdicts électoraux», Jacques Lagroye, Patrick Lehingue, Frédéric Sawicki (dir.), Mobilisations électorales: le cas des élections municipales de 2001, Paris, Presses universitaires de France, 2005, pp. 323-360.